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Réforme de la Formation Professionnelle

dossier d expert

Ce qu’il faut retenir

Les partenaires sociaux, par le biais d’un accord national interprofessionnel (ANI du 14 décembre 2013) ont modifié les règles de financement de la formation professionnelle et créé un certain nombre de nouveaux dispositifs applicables dès le 1er janvier 2015. Cet accord a fait l’objet d’une transposition législative, à travers la loi relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, du 5 mars 2014.
Cette loi réforme en profondeur le dispositif de la formation professionnelle en prévoyant à la fois des dispositions nouvelles mais aussi de nombreuses modifications.

Les nouveautés :

La mise en place d’un compte personnel de formation (CPF),

La mise en place du Conseil en évolution professionnelle (CEP),

La mise en place de l’entretien professionnel et d’une garantie formation,

Un financement direct de l’entreprise et une contribution à taux fixe versée à un OPCA unique,

Un transfert vers les Conseils régionaux des dernières compétences de l’Etat dans le domaine de la formation,

La création d’un Service public régional de l’orientation professionnelle (SPRO) et des nouvelles règles concernant la gouvernance territoriale.

Les modifications :

La loi remplace l’obligation de financer des entreprises (0,9% minimum) par une obligation de mettre en oeuvre des formations.
Le prélèvement composite de 1,6% est remplacé par un prélèvement unique de 1% de la masse salariale, à verser à l’OPCA
(0,55% pour les moins de 10 salariés) ; il n’y a plus qu’un interlocuteur.
Elle redéfinit les caractéristiques de l’action de formation professionnelle continue en intégrant la FOAD (formation ouverte et à distance)
Elle facilite la VAE,
Elle renforce la négociation sur la formation et sur la GPEC et le rôle du comité d’entreprise.

Ce nouveau texte modifie également les dispositions relatives :

  • Aux organismes paritaires (OPCA, OPACIF, FPSPP),
  • Au financement du paritarisme,
  • A l’apprentissage (taxe, collecte, CFA et contrat),
  • Au contrat de génération,
  • A la représentativité patronale et au périmètre des branches professionnelles,
  • A la gestion des comités d’entreprise,
  • Au contrôle des dispensateurs de formation.

Rencontre avec

Guy Drobinoha

Responsable Formation et Etudes à Lyreco Administrateur au Fongecif Nord Pas de Calais

« Les effets de la loi sur la Formation Professionnelle ne pourront être évalués que dans quelques années ».

Cette Loi, qui fait suite à l’Accord National Interprofessionnel de décembre 2013, offre à l’employeur une plus grande liberté, mais également une plus grande responsabilité dans la mise en oeuvre de sa politique de formation.

En substituant à « l’obligation de payer » (fin du fameux 0,9% de la masse salariale) une « obligation de former », le législateur a opéré un véritable changement d’état d’esprit, qui place la formation professionnelle au coeur des enjeux stratégiques et de la responsabilité de l’entreprise.

Tout d’abord: parce que c’est la première loi qui vise à impliquer, ensemble, salariés et entreprises autour d’un projet à moyen et long terme. Les entretiens professionnels de formation, rendus obligatoires tous les deux ans, seront complétés par une évaluation du parcours du salarié tous les 6 ans. Faute de respecter cette obligation, les employeurs de 50 salariés et plus s’exposent à des pénalités financières (abondement de 100 heures du compte personnel de formation et versement d’une pénalité à l’Opca).

Concrètement, cela implique de la part des entreprises une réflexion sur l’évolution et la montée en compétences de leurs équipes. Développer la GPEC (gestion prévisionnelle des emplois et des compétences) est désormais une nécessité, d’un point de vue légal, mais également en termes de performance et de compétitivité.

A l’échelle macro-économique, on saisit bien l’enjeu de cette loi qui vise à développer l’employabilité des populations les plus fragiles (non diplômés, personnes ayant connu peu d’évolution de carrière) dans le cadre de la dynamisation du marché de l’emploi.

La réforme est très ambitieuse. On n’en mesurera les effets que dans plusieurs années. Néanmoins, les entretiens personnels et périodiques doivent être mis en oeuvre dès aujourd’hui, y compris lors d’une reprise d’activité (fin de congé maternité ou parental, arrêt maladie, mandat syndical). Le bilan de cet entretien devra être écrit et transparent.

Il faut s’attendre à des risques juridiques liés à cette nouvelle obligation, et on trouve déjà quelques jurisprudences relatives à l’absence de formation professionnelle et d’évolution de carrière, rendues en faveur du salarié. La formation est désormais une obligation contractuelle de l’employeur. Les entreprises pourront être lourdement sanctionnées à cet égard, et c’est pourquoi il convient de s’y mettre au plus vite….

Ces entreprises doivent considérer cette réforme comme une réelle opportunité. D’abord, dans la relation qu’elles entretiennent avec leurs salariés : il est toujours appréciable de dialoguer et d’évoquer les questions liées au projet professionnel, à la stratégie, dans le cadre de rencontres régulières.

Ensuite, rappelons que les critères de GPEC sont exigés dans certaines clauses de marchés, et que la mise en oeuvre d’une réflexion sur la gestion des effectifs s’accompagne bien souvent d’un business model amélioré.

Il faut savoir également que les OPCA, dont le rôle de collecteur est renforcé par cette réforme, auront également vocation à accompagner les entreprises : ils seront chargés de mettre à disposition des outils pour l’entretien professionnel, et pourront à la fois « être dotés de missions spécifiques pour le développement de la formation par accord de branche » et « développer des services individualisés aux entreprises en contrepartie du versement volontaire non mutualisé ». Au regard de ces nouvelles missions, l’OPCA sera un pivot sur lequel les entreprises pourront s’appuyer.

« Aujourd’hui, ne pas anticiper la formation de ses équipes, c’est se fragiliser et prendre un risque juridique. »

Rencontre avec

Perrine Geoffroy

DRH d’Express Packaging

« La disparition du 0,9% va changer le rapport des entreprises à la formation »

Pour l’instant je porte un regard encore un peu flou sur cette réforme car les décrets sont arrivés tard et ce n’est pas forcément évident pour une PME d’être au fait des changements et de pouvoir en mesurer les enjeux.

On parle beaucoup de simplification et il est vrai que le versement unique à l’OPCA et la suppression de la déclaration 2483 et sa notion d’imputabilité en sont des exemples.

La disparition du 0.9% va changer le  rapport des entreprises à la formation. Désormais les formations deviennent un véritable investissement pour l’entreprise et les DRH risquent de devoir défendre leur budget formation chaque année.

Effectivement. L’entreprise est clairement confrontée à son obligation de formation qui concerne l’ensemble des salariés et qui sera vérifiée lors des entretiens professionnels…L’entreprise sera donc plus exposée aux risques prudhommaux et à la pression des IRP.

Sur le terrain, nous menions déjà une politique formation importante, largement supérieure à l’obligation légale. Mais il faut reconnaitre que nous formions toujours le même profil de salariés, en fonction de nos besoins spécifiques. La réforme change complètement la donne. Nous allons devoir nous engager plus avant dans une démarche de GPEC (gestion prévisionnelle des emplois et des compétences), afin de mettre en oeuvre une politique formation globale et cohérente.

Oui, les entretiens professionnels deviennent obligatoires tous les deux ans : les questions de formation, d’évolution salariale ou professionnelle y seront abordées.

Ces entretiens en entreprise, lorsqu’ils sont faits correctement et bien suivis, offrent généralement de belles opportunités en termes de gestion RH. Pour autant, cette mise en oeuvre tous les deux ans va impliquer, pour les PME, un fort investissement en temps et en moyens humains si l’on veut les mener correctement. Par ailleurs, il va falloir modifier les supports et former les managers à mener ces échanges. Attention également à ne pas causer de frustration chez le personnel lors de ces entretiens : les possibilités d’évolution dans une PME ne sont pas les mêmes que dans les grands groupes et revoir la question tous les deux ans peut être problématique.

Dans les faits, nous avons eu peu de demandes de DIF. Le CPF aura-t-il plus de succès ? Je n’en sais rien. Les formations éligibles pour le CPF devront être qualifiantes ou certifiantes et il s’agit souvent de formations longues, mais le CPF est limité à 150 heures… Tout dépend donc du type de formation qui sera proposé dans les « listes inventaires », définies par la négociation, pour voir si le salarié pourra choisir des formations plus courtes et plus axées métier…

Un peu, car nous n’allons plus gérer les compteurs CFP de nos salariés, et parfois c’est le salarié, seul, qui pourra décider du contenu de sa formation dès lors qu’elle se déroulera hors temps de travail, voire sur son temps de travail pour certaines formations, notamment celles du socle de connaissances. En conséquence, cela risque de complexifier un peu, pour l’entreprise, la gestion de son plan de formation. L’entreprise devra également apprendre à former plus de public avec autant, ou parfois moins, de financement. Nous devrons donc adapter nos formations et cela nous obligera peut être à faire moins de formations techniques en machine qu’avant.